Ceux qui traversent la mer reviennent toujours à pied by Marine Veith

Ceux qui traversent la mer reviennent toujours à pied by Marine Veith

Auteur:Marine Veith [Veith, Marine]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782377314270
Google: gJ2UzQEACAAJ
Amazon: 2377314279
Éditeur: SARBACANE
Publié: 2020-06-09T22:00:00+00:00


16. Pont

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Nous avons allongé Exaucée dans la cabine. A présent, elle dormait d’un sommeil agité.

Bardu marmonnait dans sa barbe.

Moi, je me sentais épuisé. Le soleil mordait ma chair comme un fauve enragé : des cloques se formaient sur mes épaules. Je m’accrochais au gouvernail comme à une bouée, je ne dirigeais plus rien. Il fallait que je me rafraîchisse les idées.

Je me suis envoyé une bonne rasade de la dernière bouteille d’eau fraîche qui n’avait pas cuit dans le pick-up. C’était celle de Giovanni. Il avait mis du citron dedans. L’acidité a rétracté mes papilles. Ça m’a fait un bien fou.

J’ai croqué dans une tomate et mâché avec acharnement, comme si ma vie en dépendait. Son jus parfumé a coulé sur mon menton et mouillé mon t-shirt.

Je me suis demandé ce qu’allaient devenir les Charlie. On n’avait même pas pris leur numéro de téléphone.

C’est alors que Bardu s’est placé devant moi, l’air soucieux. Il me masquait l’horizon.

— Je ne te cache pas qu’on est triplement dans la merde, Joujou, il a dit en se grattant le menton.

Sa barbe pelée formait des bouloches pitoyables sur lesquelles on aurait pu tirer comme des fils de gruyère.

À bien y regarder, elle était encore plus clairsemée qu’avant.

Comme si l’action de ces derniers jours l’avait dévorée.

Comme si elle dépérissait de tout le stress qu’on lui injectait.

Il a commencé à se nettoyer les ongles avec son poignard, puis s’est adossé au bastingage à côté de moi.

Je ne savais pas trop quoi répondre, parce que je n’avais aucune alternative à proposer à la fuite que nous venions d’entreprendre. Alors il a repris son interrogatoire et m’a demandé mon plan.

« Mon plan », « mon plan »... Qu’est-ce que j’en savais, moi !

J’ai tenté :

— On rentre en France. On amarre à Sète ; mieux vaut éviter Marseille, tout le monde nous attend là-bas. J’appellerai Sarah, elle pourra peut-être nous aider... même si elle ne veut plus de moi, elle me doit bien ça.

C’était la première chose qui me passait par la tête.

— Mouais... Pourquoi pas... C’est mignon.

Mignon : jamais il n’avait prononcé ce mot idiot pour me désigner. Et il avait cet air condescendant qu’on adopte face aux enfants qui annoncent que, plus tard, ils veulent être Président de la République.

— De toute façon, on est coincés, il a dit. On fera ce qu’on peut.

C’était la première fois que je le voyais prendre les choses avec philosophie. Il a fixé l’horizon, m’a pris la tomate que j’avais dans la main, a croqué dedans et l’a terminée en trois bouchées. J’étais stupéfait.

— Il y en a d’autres dans la cabine, tu sais.

- Oui, je sais. Va en chercher.

Là, j’ai voulu lui dire qu’il abusait, qu’il pouvait le faire lui-même - mais j’ai gardé les lèvres closes. Jouant avec son poignard, essuyant les dernières traces de sang qui y restaient, il m’a fixé et m’a décoché un sourire encore plus méprisant que le précédent.

Je n’ai pas aimé.

Il a dû le voir, alors il a



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